Projet de naissance : comment l’écrire ?

De plus en plus de futurs parents / futures mamans doivent ou souhaitent écrire un projet de naissance. Mais une fois devant la feuille blanche, que faire ? On est très tenté(e) de chercher des exemples ou des modèles de projets de naissance pour trouver l’inspiration ou organiser les idées disparates que l’on a. Parfois, on ne sait pas non plus très bien ce qui est attendu de nous. Alors comment écrire son projet de naissance ?

Quand on ne sait pas répondre à la question, c’est souvent que la question n’est pas claire.

Alors avant de chercher à répondre à la question “Quel est mon projet de naissance ?”, je vous propose de regarder de plus près quelles questions se posent. Vos réponses vous sembleront sûrement plus évidentes ensuite.

“Projet de naissance” : un double abus de langage

La première raison pour laquelle la question n’est pas claire, c’est que le document porte mal son nom.

Un projet de naissance n’est pas un projet

Quand vous écrivez un projet de naissance, il ne faut pas écrire un projet, car ce n’en est pas un. Quand je disais que c’était mal nommé !

En effet, une naissance ne s’organise pas. Plus précisément, ce n’est ni vous, ni votre conjoint, ni le personnel médical qui l’organisent mais votre bébé et votre corps. Mère Nature est le chef d’orchestre et chacun ne peut que chercher à jouer en harmonie avec elle.

Il est important de garder à l’esprit qu’un accouchement ne se planifie pas : il faudra suivre le rythme et improviser au fur et à mesure.

Un projet de naissance parle souvent plutôt de l’accouchement

Quand on dit “projet de naissance”, on pense “souhaits pour l’accouchement“. Par exemple :

  • Comment aimeriez-vous gérer la douleur ?
  • Qui souhaitez-vous avoir dans la salle ?
  • Que souhaitez-vous avoir dans la salle (lumière, musique ou non, etc.) ?
  • Y’a-t-il des gestes médicaux que vous souhaitez éviter ou privilégier ?

Mais accoucher et naître sont les deux points de vue principaux de ce moment si particulier. Et si on demandait aux fœtus ce qu’ils voudraient pour leur naissance, il y a fort à parier que leurs souhaits seraient moins farfelus que les nôtres.

Foetus écrivant son projet de naissance
Illustration : Nadège Sebbag

J’imagine que le projet de naissance de mes bébés ressemblait à peu près à ça :

  • Que ça ne soit pas trop long,
  • Que je ne manque pas d’oxygène en chemin ou à l’arrivée,
  • Qu’il n’y ait pas trop de lumière à la sortie,
  • Qu’on me mette vite au chaud sur Maman ou Papa après ma sortie, parce que ce seront les endroits les plus doux de ce monde déchaîné que je vais rejoindre,
  • Qu’on me tienne bien : je flotte depuis toujours alors je ne sais pas me porter.

Ca vous fait sourire ? Moi aussi ! Ca aide à prendre du recul. 🙂


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Accoucher, c’est aussi lâcher du lest

Avis aux control freaks (j’en fais partie, vous vous en doutez) : accoucher, c’est lâcher du lest. Vous ne maîtrisez pas tout, vous ne prenez pas toujours les décisions.

D’ailleurs, c’est un bon entraînement quand on devient parent. Beaucoup de choses s’improvisent sur le moment.

Ne digressons pas, l’accouchement, ça se passe beaucoup comme ça : on fait avec ce qui vient. Et ça fait du bien aussi de réagir plutôt que de tout planifier, c’est plus simple.

Faites confiance à votre bébé, à votre corps et aussi au personnel médical qui vous entourera le jour J. Ils sont chacun bien mieux préparés que votre tête à ce qu’un accouchement / une naissance représente.

L’accouchement, un moment extrême qui comporte des risques

C’est un discours qu’on entend peu et qu’on n’aime d’ailleurs pas trop entendre quand on se prépare à accoucher. Rassurez-vous, je ne suis pas là pour vous faire peur, seulement pour expliquer quelque chose que j’aurais aimé que l’on me dise avant mon premier accouchement.

Des chiffres presque abstraits…

En France en 2022, nous avons la chance immense d’avoir presque oublié que l’accouchement et la mort avaient des liens.

Cela révèle en effet que notre contexte de santé est tellement bon que ce lien devient négligeable. “Mourir en couches” ou accoucher d’un enfant mort-né, ça valait pour nos arrière-grand-mères. Ca vaut sûrement encore pour les femmes dans les pays en développement. Mais bon, pour moi et mon bébé, pas vraiment, si ?

Eh bien oui, les statistiques vont plutôt vous donner raison. Selon la HAS*, on comptait :

  • 9,1 cas pour 1000 de mortinatalité en 2007 (naissance d’un enfant mort in utero dont l’âge gestationnel est supérieur à 22 SA ou dont le poids est de plus de 500 g)
  • 2,1 cas pour 1000 de mortalité néonatale en 2007 (décès d’un nouveau-né dans ses 28 premiers jours de vie)
  • ~7-10 cas pour 100 000 de mortalité maternelle en 2004 (décès de la mère en couches ou en suites de couches)

Cela existe mais il y a très peu de chances pour que cela vous arrive, à vous.

… qui sont une réalité pour le corps médical

Cela ne veut pas dire que la sage-femme, le gynécologue ou l’anesthésiste qui sera dans la salle, lui, n’a jamais vu ça. Quand une carrière compte des milliers de naissances, vous comprenez rapidement que ces cas n’ont rien d’abstrait pour les professionnels qui vous entourent.

Pire encore, c’est leur responsabilité de s’assurer que ça ne vous arrive pas.

La mort ou les complications sont donc leur trouille bleue à eux. On les comprend.

La métaphore de la haute montagne

Quand on parle d’accouchement, j’aime bien voir le personnel médical comme un guide de haute montagne qui vous accompagnerait à l’assaut d’un sommet : quelqu’un qui est formé à lire la montagne, la météo et les capacités de ceux qu’il accompagne, quelqu’un dont le boulot est de garantir leur sécurité. Le personnel qui sera avec vous est formé à repérer les situations qui dérapent pour éviter des conséquences dramatiques.

De plus, pendant l’accouchement, vous serez dans un état extraordinaire et vous ne serez pas totalement lucides. La métaphore de la haute montagne peut être filée. De la même manière que l’hypoxie affecte les capacités cognitives de l’alpiniste, l’état physiologique et émotionnel exceptionnel dans lequel nous sommes pour un accouchement nous affecte.

Cela concerne bien sûr la femme qui accouche mais aussi la personne qui l’accompagne. Le moment est si exceptionnel et si intense que votre capacité à capter et traiter l’information sera mise à mal. L’un et l’autre, vous passerez à côté de choses importantes et surestimerez des détails.

Dans l’un de ses livres**, la sage-femme Anna Roy raconte comment elle a accouché une de ses amies, elle-même sage-femme. Elle raconte éberluée qu’à un moment critique, son amie regardait fixement le monitoring indiquant que le rythme cardiaque de son bébé n’était pas bon… tout en souriant béatement. Elle n’intégrait pas l’information qu’elle lisait pourtant quotidiennement dans son travail. Si une sage-femme qui accouche peut ne plus savoir lire un monitoring, il faut relativiser la pertinence des raisonnements qu’on peut tenir au beau milieu d’un accouchement.

Faire confiance au personnel médical

La tendance du “tout naturel” se développe dans notre société et s’exprime particulièrement fortement lorsqu’on vit une étape aussi cruciale et intime que la grossesse et la perspective de l’accouchement.

Bien sûr, accoucher est naturel. Il ne faudrait pas croire qu’on ne peut pas accoucher sans la médecine. Après tout, une infinité de générations l’a fait avant nous.

Néanmoins, ces générations assumaient plus de risques. Parfois, les nouveau-nés mourraient. Parfois, les mères mourraient. Ce n’est presque plus le cas aujourd’hui grâce à la médecine.

Les influenceurs en faveur du “tout naturel” oublient souvent d’en rappeler aussi les inconvénients. Ici, ils ne sont pas négligeables. J’ai trouvé bon de le savoir.

Par ailleurs, les professionnels de la naissance sont bien placés pour connaître l’intensité de l’intimité de ce moment. Et en général, ils sont très délicats.

En synthèse, le personnel médical est là pour s’assurer que tout se passe bien pour vous. Cela implique effectivement qu’ils voient les choses un peu différemment de vous. Ils sont néanmoins tout à fait prêts à vous écouter.

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Comment écrire un bon projet de naissance ?

Maintenant que vous connaissez un peu mieux les personnes qui vont vous lire, il va être plus facile d’écrire !

Pour autant, si vous voulez faire les choses bien, il me semble qu’il faut encore s’attacher à deux choses. Selon moi, le projet de naissance ne prend tout son sens que si :

  • il est réellement utilisé par le personnel médical
  • il est authentique, vous vous sentez libre de vous exprimer.

Un projet de naissance qui est utile

Pour quoi faire ?

Le projet de naissance est un document qui est joint à votre dossier médical enregistré à la maternité. Si vous en avez fait un, le personnel médical qui sera avec vous pendant l’accouchement le relira le jour J.

Dans la plupart des cas, vous n’avez pas de garantie que la personne qui sera là le jour J sera le gynécologue ou la sage-femme qui vous a suivi. Ce projet de naissance permet de dire à n’importe quel professionnel ce qui est important pour vous à ce moment-là.

De plus, ne comptez pas sur le fait d’avoir le temps de faire connaissance avec l’équipe le jour J. Un accouchement est éminemment imprévisible. D’une part, vous arriverez peut-être dans un état où vous n’êtes pas en mesure de faire la conversation (comment ça, ça sent le vécu ?). D’autre part, il est impossible de savoir si l’équipe sera dans un moment cool ou dans un rush intense. Or cela jouera bien sûr sur sa disponibilité.

Un projet de naissance est un écrit qui arrive à destination, c’est fiable.

Comment faire ?

Pour que le projet de naissance soit bien utilisé par le personnel médical, il faut qu’il soit utilisable. Et ça, c’est de votre responsabilité.

Il faut qu’il aille droit à l’essentiel. Vous l’avez compris, vous serez lue/s par des professionnels qui ont peu de temps. Soyez brefs, directs, factuels. Organisez et priorisez votre discours, ne laissez pas de sous-entendus. Ca les aidera, eux, et ils comprendront et retiendront mieux votre discours. Et c’est vous qui en serez les premiers bénéficiaires.

Il faut aussi qu’il soit raisonnable. Demander une salle nature à une maternité qui n’en a pas n’a pas de sens. L’exemple est si extrême qu’il est peu réaliste mais vous voyez l’idée : demandez des choses que vous pouvez obtenir.

Pour cela, le plus simple reste d’en parler avec la maternité avant de commencer à écrire le projet. Posez vos questions, prenez de l’information, sentez les enjeux. Vous aurez les idées plus claires sur ce qui est réaliste et ce qui ne l’est pas. Cela vous évitera aussi de vous perdre dans des scénarios rêvés, ce qui ne rend la réalité voire la déception que plus douloureuse le jour J.

Enfin, vous pouvez mettre quelques informations sur votre caractère, vos antécédents, vos craintes et vos envies récurrentes. Cela aidera le personnel à mieux vous cerner et vous comprendre dans un moment où votre comportement pourra être rendu extrême par la situation. C’est là que vous serez le plus tenté(e/s) de faire des longueurs. Restez concis(e).

Un projet de naissance qui vous ressemble

S’il n’est pas authentique, s’il ne parle pas de vous, si vous vous censurez quand vous écrivez ce projet de naissance, sa portée sera bien limitée.

Le personnel qui sera avec vous a déjà accompagné des centaines ou des milliers de naissances. Ils savent comment ça se passe, quelles sont les réactions les plus fréquentes. Le document ne leur est utile que si cela leur permet de gagner du temps dans apprendre à vous connaître, vous.

Et si vous n’arrivez finalement pas à trouver les mots justes pour parler de vous, vous pouvez vous passer de cet écrit. Ils savent accompagner un accouchement et vous saurez accoucher sans ce papier.

Pour finir, ne pas savoir précisément qui vous lira peut être libérateur ou paralysant. Si cela vous permet de vous centrer sur vous, tant mieux.

Si cela vous gèle, imaginez que vous vous adressez à un professionnel de l’accouchement, bienveillant, que vous rencontrez pour la première fois. Les contractions de travail vont commencer dans 5 minutes. Que tenez-vous à lui dire avant d’être absorbée par les signaux que votre corps vous envoie ?

Quand l’écrire ?

Ni trop tôt, ni trop tard, évidemment !

Attendez la fin de la grossesse pour écrire ce papier. La perception de l’accouchement change énormément au cours de la grossesse et surtout à la fin. Ecrire le projet de naissance avant la fin de la grossesse reviendrait à y retoucher plusieurs fois à mesure que vos idées sur le sujet évoluent.

Au 8e ou au 9e mois, les choses se précisent et surtout, vous risquez d’accoucher avant d’avoir écrit votre projet de naissance.

A mon sens, le bon moment pour écrire tombe peu ou prou en même temps que celui où vous ferez votre valise de maternité. C’est le moment où vous commencerez à vous projeter concrètement sur cette étape. Vos idées seront à peu près mûres et vous serez contents de pouvoir le glisser au plus tard dans la valise, avec le reste de votre dossier de suivi de grossesse.

A lire sur le séjour à la maternité

Mes sources

*HAS – Document « Données épidémiologiques générales liées à la grossesse », janvier 2012

**Anna ROY. Bienvenue au monde – Confidences d’une jeune sage-femme. Le Livre de Poche. Paru le 15 février 2017. Chapitre « Les cordonniers sont-ils mal chaussés ? »

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