Dépasser l’éducation positive
Cela fait longtemps que cet article sur l’éducation positive ou la parentalité bienveillante (et autres dénominations du même genre) mûrit. Et je suis convaincue que ma réflexion va encore évoluer dans les années à venir. Après tout, mes enfants ont seulement 2 et presque 4 ans. Mais j’ai envie de partager mon point de vue sur le sujet… ne serait-ce que pour que vous sachiez un peu mieux à qui vous avez affaire !
L’éducation positive est un phénomène incontournable du devenir parent aujourd’hui en France. Impossible de ne pas en entendre parler. Impossible non plus de passer à côté de l’idée que c’est la dernière innovation en matière de parentalité, le sens de l’histoire, le mieux, le Bien. Pourtant, début 2023, une interview retentissante de Caroline Goldman a ouvert la porte à un débat qui n’avait pas eu lieu d’être jusque là : l’éducation positive, est-ce si bien que cela ?
J’étais très présente sur les réseaux sociaux à cette période (l’interview est sortie le jour de la parution de mon livre !). J’ai donc nettement ressenti l’effet “coup de pied dans la fourmilière”. Il s’est dit beaucoup de choses en quelques semaines. Dans la foulée, les discours, autant “pour” que “contre” la parentalité positive, se sont ajustés. S’il reste encore du travail pour converger vers un propos équilibré et accessible à tous, j’en retiens surtout une avancée majeure pour les jeunes parents. Il est maintenant possible de questionner ce courant alors qu’il relevait de la pensée unique auparavant en France.
Dans mon expérience, c’est beaucoup de bonnes choses poussées un peu trop loin. Au final, je trouve qu’il faut prendre avec des pincettes les contenus flagués parentalité positive / éducation bienveillante. Ils sont bien moins prêts à l’emploi qu’ils ne le semblent. Les propositions sont trop simplifiées, trop décontextualisées pour les appliquer telles quelles à la maison. Voici pourquoi.
Un contexte favorable à l’éducation positive
Le propos semble de bon sens et récent
En France, les premiers “grands noms” de l’éducation positive sont Isabelle Filliozat et Catherine Guéguen. Elles ont marqué les esprits avec leurs livres best-sellers “Les émotions de l’enfant” et “Pour une enfance heureuse“. Si je résume, on retient que :
- Il faut écouter son enfant et respecter son rythme (sommeil, repas, développement, etc.)
- Il faut accueillir et accompagner les émotions débordantes de l’enfant.
- Le “non” est incompréhensible par un jeune enfant, il faut le remplacer par des consignes positives.
- Il est inutile et même violent de crier ou punir (et bien sûr taper) son enfant.
Ces principes semblent relever du bon sens, et les livres datent de 2006 et 2014 respectivement. C’est donc un discours naturel et récent, au goût du jour, qui s’adresse aux jeunes adultes qui deviennent parents.
Notre génération est à l’écoute des thèmes de la parentalité bienveillante…
Et à mon sens, notre génération de jeunes parents est assez homogène sur plusieurs choses qui nous rendent sensibles à ces discours :
- Nous avons à cœur de bien faire, de faire mieux qu’avant, mieux que nos parents. Et au moment de devenir parent en particulier, qui repense à sa propre éducation sans se dire “Ca, ça a été trop dur / pénalisant, je ne ferai pas comme eux avec mes enfants.” ? (Notons quand même en passant que nos parents aussi se sont dit exactement ça.)
- Notre accès à la formation est incroyablement facile dans tous les domaines grâce aux chaînes YouTube, aux MOOCs, aux formations et coachings en tout genre.
- Les violences auxquelles nous sommes directement confrontés s’apaisent. Là où nos grands-parents ont vécu la guerre, nous tremblons lorsqu’elle prend corps à l’autre bout de l’Europe. Dans la vie de tous les jours, on use de mots, de procédures et d’assurances pour régler des situations difficiles. On n’est plus sans moyens du jour au lendemain quand on perd son travail ou rencontre un pépin de santé. Les situations difficiles d’aujourd’hui ne le sont plus autant qu’hier.
… et devenir parent y accentue notre sensibilité
De plus, lorsqu’on devient parent, on se projette avec un tout-petit qui sera un mini-nous. Surtout si c’est notre premier enfant, tout nous pousse vers un “monde de bisounours”. Quand on prépare les tenues adorables et blanc éclatant de Bébé, on n’imagine pas qu’elles seront bientôt émaillées de tâches de lait caillé et de selles jaune d’or, orange vif ou vert épinard. De même, on peut difficilement se représenter avant d’y être confrontés l’intensité de la violence physique qui animera parfois notre chérubin pendant son terrible two.
Quand on devient parents donc, on est particulièrement susceptibles d’être touchés par des discours qui prônent la bienveillance et la non-violence dans l’intimité de notre foyer.
Les réseaux sociaux amplifient le phénomène parentalité positive
Enfin, nous sommes la première génération de parents à le devenir avec les réseaux sociaux dans la poche. Or, ils sont un relais parfait pour des contenus faciles à consommer (courts, illustrés) qui jouent sur les émotions du lecteur et promettent des recettes simples et des résultats infaillibles. La parentalité bienveillante s’est très bien approprié ces formats et est donc très représentée sur les réseaux sociaux.
La théorie ne résiste pas bien à la pratique
Pourtant, malgré des principes qui semblent frappés au coin du bon sens, un public tout trouvé et des relais efficaces, il y a un hic. En pratique, beaucoup de parents constatent qu’ils n’arrivent pas aux résultats escomptés. Au début, on se dit qu’on applique mal et on recommence, on renforce, on insiste. Au bout d’un moment, on finit par se dire que c’est peut-être la méthode qui marche moins bien qu’annoncé.
Mais pourquoi la parentalité bienveillante marcherait-elle moins bien que ce qu’on nous avait dit ?
Les conseils de parentalité positive sont calibrés pour des situations édulcorées
Un premier élément relève du canal de communication du discours. Certains aspects de la parentalité ne sont pas vendeurs et donc difficiles à aborder dans la sphère publique. La sécurité de la relation avec un proche y est plus propice que les réseaux, des interviews ou un livre. De fait, les situations sont souvent enjolivées sur Instagram.
Cela m’a frappée en tombant sur une courte vidéo qui vantait les effets d’un câlin sur le cerveau. La personne prenait l’exemple d’une crise de colère et recommandait 30 secondes de câlins pour aider l’enfant à se calmer.
Cela m’a fait rire jaune : dans ses crises les plus aiguës, nous devions parfois contenir P’tit Gars pendant 30 MINUTES, pour éviter qu’il ne se tape la tête sur le carrelage. Cela peut être ça, la réalité des jeunes parents. Son conseil n’était donc applicable que dans les situations les moins problématiques.
Les conseils concernent “l’enfant”, sans distinction d’âge…
Un autre élément qui me gêne beaucoup est le fait que la plupart du temps, les conseils n’indiquent pas à quel moment c’est opportun, en fonction de l’âge, du développement ou du contexte de l’enfant.
Or, des enfants de 3 jours, 4 mois, 1 an ou 5 ans n’ont rien à voir. Leurs capacités, leurs enjeux de développement sont totalement différents. Par exemple, allaiter un nouveau-né en bonne santé aux premiers signes d’éveil est sensé. Mais donner à un enfant de 2 ans un biberon à chaque réveil nocturne revient probablement surtout à l’empêcher de dormir correctement. Nous en avons fait l’expérience personnelle car nous n’avions pas su quand adapter nos comportements ! Résultat, P’tit Gars était épuisé et nous aussi. Heureusement, il a été possible de rectifier le tir rapidement.
De même, les conseils donnés ne tiennent pas compte des différences de développement et/ou de personnalités des enfants. Par exemple, verbaliser est au cœur des propositions de la parentalité bienveillante pour résoudre ou éviter les crises de colère, particulièrement lors du terrible two. Mais face à un bambin extrêmement frustré de ne pas réussir à mettre des mots ses émotions et réflexions, recourir sans cesse au langage pour désamorcer les situations peut revenir à, au contraire, mettre de l’huile sur le feu ! A le confronter encore et encore à l’origine de sa frustration, on finit par le faire “dégoupiller”. On ne peut donc pas appliquer les mêmes recettes à tous les enfants, sans prendre en compte qui ils sont et ce qui se joue pour eux à un instant donné.
… ou de quoi que ce soit, jusqu’à déconnecter de la réalité
Plus largement, nous avons été souvent gênés de constater l’omission de tout élément de contexte. La parentalité positive ignore généralement les complexités et spécificités des situations quotidiennes et des contextes culturels, géographiques ou encore financiers des familles. Dans les scènes décrites, on voit un enfant et son ou ses parent(s) pleinement disponibles et attentifs. Il n’y a pas de fratrie, de stress professionnel, d’horaires décalés, d’horaires à respecter, de maladies ni de handicaps, d’évènements familiaux, de pratiques religieuses, de contraintes urbaines ou rurales, de limites financières, etc. Pourtant, tous ces éléments font partie intégrante de la vie des familles et des arbitrages quotidiens des parents.
Par exemple, ne pas faire mal à son enfant est une évidence. Mais s’il vient de descendre du trottoir alors qu’un bus arrive, je le sors de sa trajectoire par tous moyens. Et si je lui ai fait mal au bras en évitant la collision, j’en suis désolée ET j’ai fait ce qu’il fallait.
Je prends cet exemple car il m’a marquée. S’étant retrouvée dans cette situation en allant chez la nounou, une maman a réagi ainsi en voyant le bus arriver. A posteriori, le doute et la culpabilité l’ont assaillie au point de demander sur un groupe Facebook si elle avait bien ou mal fait.
Une parentalité bienveillante… mais pas envers les parents ?
Son cas illustre bien à quel point les recommandations de l’éducation positive peuvent nous atteindre personnellement si on n’y prend pas garde. Or, cette atteinte a de véritables conséquences pour l’équilibre des parents et donc la vie de famille et de couple.
La parentalité positive porte une injonction implicite et latente à être un parent parfait. Il faut faire de son mieux, toujours aller plus loin, faire plus. Au risque évident mais inavoué que les parents s’oublient.
On oublie facilement de se faire confiance en temps que parents. Les recommandations sont parfois si contrintuitives (Offrir un câlin quand on est furieux ? Ne pas féliciter son enfant ni lui dire qu’on est fier de lui ?) et nombreuses qu’on s’observe sans cesse échouer à les respecter. A multiplier les petits ratés, on se dit qu’on est un bien mauvais parent.
A donner la priorité à son petit, on oublie aussi avec une spontanéité déconcertante de se consacrer du temps et de l’énergie. Pour se sentir bien dans son corps : bien manger, bien dormir, avoir une activité physique et sexuelle. Se faire plaisir : retrouver ses loisirs, ses temps en amoureux. Se nourrir intellectuellement et socialement : reprendre le travail, retrouver ses amis, se former sur un sujet qui nous intéresse. Et cetera.
Or les enfants ne seraient pas là s’il n’y avait pas leurs parents. Ce couple qui a voulu en faire, et ces individus qui ont décidé de fonder une famille ensemble. Les parents sont le prérequis et l’origine des enfants dont on se préoccupe tant !
Et bien sûr, au quotidien, des parents éteints, vidés, épuisés, peuvent difficilement remplir leur rôle et guider leurs petits vers l’autonomie et le bonheur. Difficile d’être bon parent sans être un adulte épanoui.
Alors la parentalité bienveillante devrait s’assurer d’être bienveillante également à l’égard des parents !
Le vrai piège de l’enfant-roi : l’enfant inadapté
Ensuite, à vouloir si bien écouter nos enfants, on risque la sur-adaptation. Elle est coûteuse en énergie pour les parents et rend peu-à-peu les enfants moins aimables, moins acceptables par les autres.
Si on écoute toujours l’enfant en priorité, comment apprend-il à ne pas couper la parole ? Si on ne lui impose pas de respecter les règles de politesse ou d’hygiène simple, comment pourra-t-il s’insérer dans son cercle social ? Quand on sécurise parfaitement son environnement physique quotidien, comment peut-on ensuite l’en sortir pour diversifier ses expériences ?
La tentation est grande, et bien légitime, de vouloir se mettre à la hauteur de l’enfant. Mais il ne faut pas perdre de vue que cette hauteur évolue. L’objectif final reste qu’il soit apte à prendre sa place dans la société et à y être heureux. Les adaptations intermédiaires ne doivent être que ça : des étapes, les marches d’un escalier qui le mène à l’âge adulte.
Un glissement sur l’indicateur de réussite de son éducation
Je crois que la question “Ai-je bien fait ?” est inhérente au rôle de parent. Tellement d’amour, d’enjeu, de complexité… Pensez à vous mais aussi à vos parents et grands-parents. Dans nos deux familles en tout cas, la question transparaît dans les discours de tous. Chacun avec ses mots mais le thème est bien reconnaissable et récurrent.
Les parents ont donc besoin de se rassurer et de savoir comment faire ce job incroyablement déstabilisant auquel personne n’est formé autrement que sur le tas. Or les contenus sur la parentalité bienveillante répondent incroyablement bien à ces questionnements sous l’angle de la méthode éducative. Comment faire ci ? Comment réagir à ça ?
Mais à porter son attention sur les moyens, on en oublie les résultats. Au quotidien, le principal indicateur de réussite de son éducation est “Est-ce que j’ai respecté tous les modes opératoires ? Est-ce que j’applique toutes les recommandations ?“
On en oublie de se demander :
- Mon enfant est-il joyeux, heureux, épanoui ?
- Progresse-il dans ses apprentissages et comportements ?
- La fratrie fonctionne-t-elle bien ? Est-ce que les enfants sont heureux de se retrouver, de jouer ensemble, de s’entraider ?
- Notre quotidien familial est-il détendu ?
- Pouvons-nous faire les activités que nous avons envie de faire ensemble ?
- Notre équilibre de vie nous convient-il à nous, les parents, responsables de cette famille ?
Atteindre ces résultats est une plus grande ambition, un défi plus difficile à relever. Et on ne sait pas toujours comment y arriver, d’où l’engouement pour les exemples de situations et autres cas pratiques. Mais c’est dans le fond le seul vrai objectif que l’on recherche. Et si on oublie d’évaluer leurs résultats effectifs, on sera toujours incertains et insatisfaits de l’éducation qu’on donne à nos enfants.
Le “no kids”, un révélateur que les parents positifs vont trop loin ?
J’ai récemment lu quelques articles sur les espaces “no kids” et ils m’ont interpellée.
L’idée que nous sommes probablement de moins en moins exposés aux générations différentes de la nôtre m’accompagne depuis longtemps. Autant l’école, avec les classes, que le travail, avec les échelons dans tous les métiers, sont plus ou moins organisés en tranches d’âge. D’autre part, qui se ressemble s’assemble. Il est plus facile de se retrouver entre personnes au même moment de vie que de croiser les contraintes et les états d’esprit de tous les âges. Ainsi, je parierais volontiers que nous sommes relativement intolérants aux enfants quand nous n’en avons pas, voire même que la tendance s’intensifie. Il y a sûrement un travail collectif à faire dans le sens inverse.
Pour autant, c’est le rôle des parents que d’apprendre à nos enfants à s’insérer dans la société et l’espace public en respectant ses règles. Donc si le “no kids” se démocratise, c’est peut-être parce que les enfants éduqués aujourd’hui sont simplement plus difficiles à supporter qu’avant ? C’est peut-être parce que les parents “positifs” remplissent moins bien ce rôle ?
En tout état de cause, le vivre ensemble repose sur des ajustements mutuels. A notre échelle, en tant que parents, nous pouvons aider nos enfants à être plus acceptables et donc mieux acceptés.
Ce que je garde de la parentalité bienveillante
Alors, ayant dit tout cela, est-ce que je garde quoi que ce soit de la parentalité positive ? Les principes oui, la comm’ non. A mon sens, les principes sont éminemment bons. En revanche, ce qu’on en voit relève le plus souvent du dogme et/ou de l’intérêt commercial.
Des principes évidents mais des applications douteuses
Les principes de base sont évidemment bienveillants et de bon sens : écouter son enfant, prendre le temps de lui expliquer les choses, considérer sa parole et sa personne…
Cependant, la façon dont on interprète ces principes, la manière dont on les traduit en actes éducatifs est autre chose. Faire un câlin à un enfant qui crise parce qu’il n’a pas le yaourt qu’il voulait ? Demander son consentement à un bambin pour lui donner le bain du soir ? Arriver en retard à l’école ou au travail parce que MiniNous n’avait pas fini de dessiner ?
C’est pour ce type d’actions du quotidien que Caroline Goldman, Didier Pleux ou Franck Ramus rappellent le besoin de limites des enfants et dénoncent l’inhibition de l’autorité des parents.
Caroline Goldman dit voir arriver dans son cabinet des parents dépassés. Ils se sont auto-censurés pour respecter ce qu’ils avaient compris de l’éducation positive. Je vois chez mes amis et chez nous que nous sommes effectivement parfois allés trop loin dans cette application. Et cela avec des enfants de 5-10 ans maximum. Nous ne savons pas encore quels adultes seront nos enfants éduqués positivement. Il me semble donc bien hasardeux de dérouler sans nuances cette approche avec toute une génération.
Un dogme…
A ce stade, je trouve qu’il y a clairement quelque chose de l’ordre du dogmatisme ou du totalitarisme dans l’éducation positive.
Ses principes sont formulés de telle manière qu’ils sont incontestables. Son nom lui-même est un excellent exemple de comment sa communication défie le grand public. Qui pourrait s’y opposer et ainsi se revendiquer défendeur d’une éducation… négative ?
Or c’est le principe du dogme que de supprimer toute possibilité de contestation. J’ai parlé de pensée unique en introduction : sur les réseaux sociaux, la parentalité bienveillante flirte volontiers avec ce statut. Les comptes se doivent d’afficher les mots-clés qui vont bien pour s’auto-valider. L’absence de ces mots-clés est presque un aveu d’opposition ou de traditionalisme. Cela évolue lentement vers plus de liberté de parole mais il y a encore du chemin.
…et un business plutôt lucratif
Mais l’éducation positive n’est pas qu’un dogme, c’est aussi un business avec des revenus significatifs à la clé. Certains de ses défendeurs ont un intérêt évident à ce que cette approche de l’éducation reste dominante.
Les jeunes parents sont une cible de choix pour les marketeurs de tous ordres. Animé par la volonté de bien faire, d’offrir le meilleur à sa progéniture, il est facile de se laisser convaincre de prendre tel matériel, de lire tel livre, d’acheter telle formation. La parentalité positive ne fait pas exception. Au même titre que “Montessori” ou “HPI”, le mot-clé fait vendre et soutient les porteurs de ces idées.
Concrètement, on fait quoi ?
Concrètement, nous allons être entourés de parentalité bienveillante pendant encore quelques années. Les professionnels de la petite enfance, l’école, les pédiatres, nos proches baignent dedans. Tous se sont plus ou moins approprié les discours et injonctions qui se réclament de la parentalité positive. C’est un élément de contexte quand on est parent en 2024, il faut naviguer avec cela.
Un mot d’ordre : prêter attention aux résultats
Pour moi, tout est plus simple si on change d’état d’esprit. Si on se reconcentre sur observer les résultats obtenus plutôt que noter la bonne application des méthodes, tout le reste en découle naturellement.
Si on est tous heureux en famille, chacun épanouis et à l’aise dans le monde, c’est qu’on a fait notre job de parents. Et s’il y a des sujets qui ne sont pas satisfaisants, il est toujours temps de changer quelque chose pour l’améliorer.
Quand notre attention porte sur les résultats, nos réflexions prennent une autre tournure. Si on repère des choses qui marchent bien chez les autres, on se demande comment ils s’y sont pris pour s’en inspirer. Inversement, si on constate qu’un enfant est insupportable alors que les parents font “tout ce qu’il faut”, on en déduit rapidement que soit on ne voit pas tout, soit ces méthodes n’ont pas fonctionné.
Plus vite on va à identifier “ce qui marche” sur chaque sujet, plus vite tout le monde se sent mieux et meilleurs parents on est. Et on y arrive clairement plus vite en s’autorisant à tester plein de choses qu’à utiliser une liste fermée d’astuces qui parfois ne marchent pas.
Sortir de la pensée unique
Plus largement, tout cela revient à renouer avec avec son esprit critique, son expérience empirique et des discours plus variés.
Il ne faut pas prendre pour argent comptant ce qu’on lit et entend, il faut s’interroger sur le parcours de celui qui parle, ses intérêts personnels, son contexte de vie. (Faites-le sur moi aussi ! Voici de quoi démarrer.)
Il ne faut pas hésiter à fermer ses écoutilles par moments au monde extérieur, aux conseils, recommandations et injonctions. Juste regarder son enfant, observer quels comportements apparaissent à quels moments. Et ensuite tester, tâtonner, accepter de ne pas savoir et que l’expérience nous dira ce dont il retourne et ce qui fonctionne.
Puis au moment d’ouvrir ses écoutilles, diversifier ses sources, prendre le temps de lire les ouvrages les plus prometteurs. Et accepter qu’il y a peut-être du vrai dans les discours obsolètes et/ou sommaires de Tonton René, Maîtresse Guillemette et Dr Martin.
S’affranchir du tabou
Ensuite, la parentalité bienveillante a cristallisé un contexte très exigeant et isolant pour les parents. Il est devenu tabou de mal faire, et on surveille ce qu’on dit et montre de notre parentalité. Parfois, on hésite à sortir ou voir des amis avec nos enfants car on craint de devoir gérer une crise en public et assumer ensuite autant la crise que sa gestion. Il faut casser cela pour revenir à quelque chose de plus sain, qui fait partie de la vie, avec ses hauts et ses bas.
Donc il faut parler simplement de ce qu’on vit avec ses proches, pour bénéficier de l’expérience concrète, vécue des autres et partager la sienne.
L’exercice n’est pas facile dans un contexte tendu pour tout le monde. Il y aura donc sûrement quelques heurts. Mais au final, on s’aperçoit surtout qu’on est tous dans la même galère. On tente de faire de notre mieux pour quelque chose qui porte des enjeux qui nous dépassent… et pour lequel personne n’a pensé à nous donner le fichu mode d’emploi !
Mes sources en matière d’éducation positive / parentalité bienveillante
Ce paragraphe mériterait au moins un article en lui-même. Laissez moi quand même vous donner un aperçu rapide dès maintenant.
J’ai lu, écouté et/ou me suis renseignée entre autres sur Isabelle Filliozat, Catherine Guéguen, Héloïse Junier, Céline Alvarez, Béatrice Kammerer, Caroline Goldman, Didier Pleux et Frank Ramus.
Mais la lecture qui a sonné le plus juste pour moi, c’est Marie Chétrit, avec son blog Les petits ruisseaux font les grandes rivières et son livre “L’éducation positive : une question d’équilibre ?“. Son ton est très pragmatique, assumé et véritablement bienveillant, humain envers enfants et parents. Et son propos est sourcé, vérifié, recherché.
Son idée que l’éducation positive est une bonne idée mal comprise, mal appliquée m’a évité de rejeter en bloc tous ses apports au moment où nous avons fait le constat d’échec chez nous. C’est la meilleure synthèse que j’ai lue sur le sujet.
Dans un registre tout aussi pragmatique mais plus empirique et humoristique, je vous recommande aussi chaudement Agnès Labbé, son blog Quatre enfants (options jumeaux) et son livre “L’éducation approximative – Comment appliquer l’éducation positive dans la vraie vie !“. Il est d’une grande légèreté à lire mais n’en contient pas moins de pépites de sagesse.
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