Eduquer sans s’épuiser, du Pr. Kazdin : qu’en retenir ?
Depuis le 31 août 2023, les parents francophones et non anglophones disposent d’une nouvelle ressource de taille, le livre The everyday parenting toolkit, publié en 2014, traduit par Delphine Billaut sous le titre Eduquer sans s’épuiser. Il est co-préfacé par Frank Ramus et Marie Chétrit.
Le livre est arrivé dans ma bibliothèque au mois de juin et j’ai pu le lire à la faveur du début des vacances. Ne croyez pas que chez moi, “vacances avec des enfants encore presque en bas âge (4 ans et 2,5 ans)” = “vacances” comme on l’entendait encore avant d’être parents. Au contraire, nos congés d’été ont démarré sous le signe de la tension (surtout chez P’tit Gars) et de la fatigue (surtout chez les parents) accumulées. A l’orée de 30 jours avec nos mini-monstres adorés, nous cherchions urgemment de nouvelles inspirations éducatives. C’est ainsi que j’ai ouvert Eduquer sans s’épuiser.
Et de l’inspiration, nous en avons trouvée dans ces pages, d’où mon envie de partager à ce sujet avec vous. (C’est la première fois que je vous propose un retour détaillé sur un livre parentalité que j’ai lu, dites-moi ce que vous en pensez !)
Je vais d’abord résumer le livre pour celles et ceux qui ne l’ont pas lu. J’en recommande quand même la lecture complète pour mieux s’approprier les concepts, découvrir les détails qui pourraient être des eurêka pour vous et profiter des exemples réels cités. Quant à ceux qui ont déjà lu le livre, ils peuvent sauter la fiche de lecture pour passer à la suite : un retour plus personnel sur ce que j’en retiens.
En effet, le livre est essentiellement axé sur résoudre un problème, modifier un comportement identifié comme point dur. Et je pense utile d’élargir la réflexion à comment gérer le quotidien… avant qu’un point dur ne se cristallise. C’était précisément ce que nous cherchions quand j’ai ouvert le livre : non pas réduire un comportement non souhaitable bien identifié mais apaiser le quotidien dans son ensemble pour bien vivre le temps passé en famille.
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Fiche de lecture : Eduquer sans s’épuiser, Pr. Alan Kazdin
Avant toute chose, qui parle ?
Alan Kazdin est professeur émérite de psychologie et de psychiatrie de l’enfant à l’Université de Yale, aux Etats-Unis. Spécialisé en thérapie comportementale et cognitive, il y a fondé et dirige le Yale Parenting Center, où il accompagne des parents à résoudre des problématiques de comportement que tout un chacun peut rencontrer.
Son discours est donc scientifique et empirique, issu à la fois de la recherche académique sur la parentalité et de son expérience de terrain avec des milliers de familles. Il a écrit plusieurs livres, dont Eduquer sans s’épuiser, et a dirigé la création du MOOC “L’art d’être parent au quotidien : L’ABC de l’éducation des enfants“, qui traite des mêmes sujets et est disponible gratuitement sur Coursera.
A noter : l’approche comportementaliste (behavioriste) qu’il adopte peut passer auprès de certains pour du “dressage”. On agit sur le comportement, sans forcément chercher à remonter aux sources de ce comportement. S’il peut être utile de s’intéresser aux causes d’un phénomène dysfonctionnel, au quotidien, les parents sont aussi soumis au principe de réalité. Vous comme moi n’avez pas un temps infini pour réfléchir à la multiplicité des comportements qu’adoptent nos enfants dans une journée… qui ne dure pourtant que 24h, n’est-ce pas ? L’approche ABC explicitée par le Pr. Kazdin relève d’une certaine forme de pragmatisme.
ABC, une approche behavioriste
L’approche du Pr. Kazdin est donc behavioriste et tourne autour d’un triptyque antécédents > comportement > conséquences. ABC en anglais pour Antecedents, Behavior, Consequences. On considère qu’en fonction d’antécédents, qui incitent ou désincitent, et de conséquences, positives ou négatives, un comportement va se renforcer ou s’amenuiser avec le temps.
C’est un mécanisme basique d’apprentissage. C’est à mon sens ce qui explique son efficacité… et fait qu’on le retrouve dans toute une variété de domaines, de l’expérimentation naturelle des jeunes enfants, à l’éducation de nos animaux domestiques, à l’organisation de la vie en société ou professionnelle.
Que dit donc le Pr. Alan Kazdin du triptyque ABC ?
Comportement : que veut-on obtenir ?
Dans son livre, il commence la présentation de façon chronologique, par les antécédents. Je vais commencer par le comportement car à cette étape, c’est l’enfant (et non le parent) qui agit. Cela place le parent en situation de prendre du recul.
Lorsque nous souhaitons éduquer nos enfants et orienter leurs comportements, nous devons effectivement anticiper les réponses à trois questions :
- Qu’attend-t-on exactement de l’enfant ?
- Où en est-il dans la maîtrise du comportement attendu ?
- Quelle méthode est appropriée pour l’accompagner vers ce comportement attendu ?
Définir la destination
Le comportement attendu doit avant toute chose être défini en termes positifs : “Mettre ses chaussures seul” plutôt que “Arrêter de trainer et se faire aider pour mettre les chaussures”. Si c’est réellement un comportement que l’on veut supprimer (“Ne pas mettre ses doigts dans le nez”), identifier le comportement attendu en remplacement (“Utiliser un mouchoir pour se moucher / nettoyer le nez.”). Si le comportement est complexe, ou une suite de comportements (se préparer le matin), décomposer le comportement global en étapes unitaires.
Ensuite, il faut s’assurer que ce comportement a été communiqué et compris par l’enfant.
Savoir d’où l’on part
Deuxième question : à quel point l’enfant maîtrise-t-il le comportement ? Est-ce qu’il peut le faire entièrement ou butte sur des étapes ? Est-ce que l’enfant fait parfois ou vraiment jamais ce qui est attendu de lui dans cette situation ? Est-ce qu’il avait l’habitude de faire cela et l’a perdue ?
Décider s’il faut agir ou non
Le Pr. Kazdin fait remarquer en fin d’ouvrage que certains comportements pénibles des enfants sont liés à leur développement normal. Beaucoup d’entre eux vont donc naturellement évoluer ou disparaître avec le temps sous l’influence de parents et d’un contexte social équilibré.
Il recommande donc de se poser explicitement la question : faut-il mettre en œuvre des efforts particuliers pour modifier le comportement gênant ?
A ce titre, deux questions utiles à se poser :
- Le comportement est-il supportable d’ici qu’il évolue spontanément ?
- Le comportement interfère-t-il avec le développement de l’enfant ?
Choisir le chemin pour y arriver
En fonction de tout cela, on pourra choisir une méthode à appliquer :
- Cas le plus fréquent : la situation se présente souvent (plusieurs fois par jour ou par semaine) et le comportement attendu se manifeste au moins partiellement ou de temps en temps -> utiliser le façonnement pour encourager dans la bonne direction.
- La situation se présente rarement ou le comportement n’est pas maîtrisé -> utiliser le jeu de rôles pour créer des occasions de bien faire pour l’enfant et de le féliciter.
- Le comportement est maîtrisé mais l’enfant ne l’applique plus (sait très bien mettre son pyjama mais refuse désormais de le faire seul, par exemple) -> utiliser l’amorçage pour ré-enclencher le comportement.
Le façonnement consiste à partir de ce que l’enfant sait faire et l’accompagner vers l’étape supérieure petit-à-petit. Pour cela, le parent dispose d’outils au niveau des antécédents (bien demander) et des conséquences (essentiellement féliciter). J’y viens juste après.
Le jeu de rôles consiste à mettre en place de manière ludique la situation dans laquelle on attend le comportement défini pour le renforcer. Cela peut être dire bonjour quand on arrive quelque part ou quand on reçoit des invités, réagir à l’école en cas d’incendie (là, c’est l’école qui le met en place avec les alertes incendie) ou ne pas toucher à des médicaments, objets coupants ou non identifiés si on en trouve par hasard (mauvais rangement, découverte impromptue en balade, etc.). Cela crée des occasions fictives pour l’enfant d’avoir les bonnes réactions et des occasions réelles pour le parent de l’en féliciter. Quand le comportement est maîtrisé dans le jeu, c’est le façonnement dans la vie réelle qui prend le relai.
Enfin l’amorçage consiste à baisser l’exigence et accompagner l’enfant pour initier les premières actions d’une série ou reprendre l’habitude de faire quelque chose. On l’aidera à enfiler son premier vêtement et il finira de s’habiller seul. On lui donnera de nouveau à manger nous-mêmes le temps qu’il reprenne l’habitude de manger sans s’interrompre, puis seul.
Maintenant que le comportement cible et la méthode générale pour y arriver sont plus clairs, voyons les leviers dont disposent les parents très concrètement.
Antécédents : l’art de bien demander
Pour Alan Kazdin, les antécédents sont d’une grande efficacité, parfois inconsciente, souvent sous-estimée, pour mener à un comportement donné et ils sont de deux types :
- Les “incitations” sont :
- des consignes (“Mets tes chaussures, s’il-te-plaît.”),
- ou l’exposition d’un mode opératoire (“D’abord, on s’assoit, puis on ouvre la chaussure et on glisse le pied dedans. Ensuite, on serre et on rabat le scratch. Et voilà, c’est fait !”).
- Les événements prédictifs sont des éléments qu’on met en place juste avant le comportement attendu pour le favoriser. En tant que parent, on a quatre options (cumulables entre elles si besoin) :
- Présenter le comportement comme une norme sociale (“Les enfants qui vont à l’école mettent leurs chaussures tous seuls.”)
- Proposer un défi (“Est-ce que tu serais capable de mettre tes chaussures tout seul ?”)
- Donner une consigne facile juste avant (“Assieds toi sur ton joli pouf.”)
- Laisser un choix à l’enfant (“On commence par la chaussure droite ou la gauche ?” ou même un simple “s’il-te-plait”)
Le Pr. Kazdin recommande d’utiliser une incitation et un évènement prédictif à chaque demande.
Il annonce aussi que les incitations et évènements prédictifs de la part du parent pourront s’estomper à mesure que l’enfant acquiert le comportement puis prend l’habitude de le mettre en œuvre. (Donc oui, les enfants finissent par mettre leurs chaussures seuls et sans qu’on leur demande à l’heure de partir le matin. Ouf !)
Conséquences : la manière de réagir… ou pas
Les conséquences (félicitations, récompenses, punitions, time out…) sont beaucoup plus discutées en général que les antécédents. Pour le Pr. Kazdin, cela implique donc de revenir dessus pour clarifier plusieurs idées reçues ou mal interprétées.
Renforcement positif
Au titre des conséquences positives, qui incitent à renouveler le comportement, deux principales options : les félicitations et les récompenses.
Les félicitations sont celles qui viennent naturellement (même si la fatigue peut nous mener à en être plus avares) aux parents. Elles ne coûtent rien, sont faciles à mettre en œuvre en toutes circonstances. Il ne faut pas hésiter à utiliser abondamment cet outil souple et efficace.
Les récompenses fonctionnent aussi très bien, en particulier en passant par une “économie de jetons”, c’est-à-dire tout système de tableaux de récompenses, gains de points et de privilèges. C’est un outil très pratique mais qui demande un petit peu plus d’effort de mise en place que les félicitations.
Mais féliciter ou récompenser implique qu’il y ait quelque chose à féliciter, direz-vous. Quand Bout’chou n’utilise ja-mais de mouchoirs, comment l’en féliciter ? Dans ce cas, on peut féliciter l’absence du comportement indésirable sur une période adaptée à la difficulté pour l’enfant. On y était arrivés spontanément au printemps avant d’avoir lu Eduquer sans s’épuiser : à chaque demi-journée sans chouineries, P’tite Nana gagnait un “sourire” (un smiley content) sur son “tableau des réussites”. Dans les cas extrêmes, on peut même féliciter le fait qu’un comportement indésirable soit moins fréquent ou moins intense (coucou, les crises de colère à répétition pendant le terrible two !) voire féliciter tout comportement autre que le comportement indésirable.
Enfin, pour bien renforcer positivement, il faut :
- Le faire au plus près du bon comportement
- Aussi systématiquement que possible
- En précisant explicitement quel était le bon comportement
- Avec un “renforçateur” de qualité : ton enthousiaste (très enthousiaste pour les jeunes enfants, discret pour les adolescents), contact physique encourageant et/ou récompense qui fait vraiment plaisir à l’enfant.
Renforcement négatif et retrait de renforcement positif
On entend un peu partout que les punitions sont inefficaces, ne servent à rien, voire traumatisent nos enfants. Mais quand les bambins ont passé l’âge de le compter en mois, rares sont leurs parents qui n’ont jamais élevé la voix ou puni d’une manière ou d’une autre. Alors comment s’y retrouver sans culpabilisation déplacée ni complaisance coupable ?
A ce sujet, j’ai trouvé le discours du Pr. Kazdin à la fois riche et nuancé pour replacer tout ce qu’on entend au bon niveau. En synthèse, il explique que la recherche a montré que les punitions ont de nombreuses limites et ne sont efficaces qu’en association avec du renforcement positif.
Au titre des punitions, il considère :
- ce qu’on manifeste (cris, réprimandes, énervement, etc.) -> renforcement négatif
- ce qu’on impose à l’enfant de faire (réparer une bêtise, accomplir une corvée, etc.) -> renforcement négatif
- ce qu’on retire à l’enfant (time-out, retrait de points, confiscations, etc.) -> retrait de renforcement positif
Voici les limites qu’il cite :
- Les punitions signalent un mauvais comportement mais n’indiquent pas lequel adopter.
- En stoppant effectivement le comportement indésirable sur le moment, les punitions incitent le parent à les réitérer.
- L’enfant s’habitue aux punitions, il faut donc les intensifier pour qu’elles continuent d’avoir un effet. On entre dans une logique d’escalade.
- Les punitions s’accompagnent de réactions émotionnelles secondaires indésirables (pleurs, cris, vexation de l’enfant, agressivité envers son parent, évitement du parent) qui peuvent perturber l’amélioration du comportement ciblé.
- Les punitions génèrent des associations négatives avec les actions, les lieux ou les personnes concernées.
Il résume ainsi en 6 clés comment s’assurer que les punitions soient utiles quand on y a recours :
- Punir seulement s’il y a aussi (largement plus) de renforcement positif.
- Punir au plus près du mauvais comportement.
- Ne pas punir un comportement qui a été renforcé positivement avant.
- Etre cohérent et régulier dans les déclencheurs et punitions. Avoir anticipé avant quelles punitions s’appliquent dans quelles circonstances évite tout effet de surprise pour l’enfant et toute inflation dans les punitions sous le coup de la colère parentale.
- N’utiliser que des punitions légères. Augmenter leur durée, ampleur ou intensité n’augmente que leurs effets secondaires, pas leur efficacité.
- Si on choisit une activité de punition, le faire avec soin car il y aura probablement une association d’idées négative.
Absence de renforcement ou extinction
Jusqu’ici, on a parlé de renforcement positif d’une part et de renforcement négatif et retrait de renforcement positif d’autre part. Le Pr. Kazdin signale un troisième outil que les parents peuvent employer : l’absence de renforcement (ou extinction). Quelle distinction faire exactement ?
Le renforcement positif consiste en félicitations ou récompenses. Le parent relève un comportement désirable et le valorise.
Le renforcement négatif est essentiellement une réprimande ou une punition active (faire faire quelque chose à l’enfant). Le retrait de renforcement positif consiste à retirer l’attention parentale ou des privilèges. Dans les deux cas, le parent relève un comportement non souhaité et le sanctionne, soit en ajoutant une conséquence désagréable, soit en retirant quelque chose d’agréable à l’enfant. Il y a une punition.
L’extinction consiste à ignorer les comportements indésirables. Le parent ne les relève pas et il n’y a pas de punition. C’est important car l’extinction a le mérite de ne pas impliquer l’attention des parents qui n’agit donc pas comme renforçateur involontaire. Et je note que c’est une ligne directrice infiniment moins coûteuse en énergie parentale !
Plus largement, le Pr. Kazdin fait remarquer que si un comportement se reproduit, c’est certainement qu’il est renforcé d’une manière ou d’une autre. Cela permet de se rendre compte que les pitreries à table sont validées par les rires de la petite sœur, que les gros mots à l’école amusent le bon copain et que la fausse timidité trouve un écho dans les réactions tolérantes et blagueuses des familles et amis. Dans certains cas, on peut agir sur les autres protagonistes et couper cette dynamique de renforcement non-souhaitable, dans d’autres non. On choisit alors ses batailles.
Pour que nous ne soyons pas surpris, le Pr. Kazdin identifie quatre effets récurrents de l’utilisation de l’absence de renforcement face à un comportement donné :
- Le comportement ignoré disparaît très progressivement (pas d’effet miracle instantané).
- Il peut y avoir une explosion du comportement indésirable car l’enfant tente de refaire réagir ses parents.
- Il peut y avoir des réapparitions aléatoires du comportement après qu’il se soit estompé.
- L’extinction peut déclencher des réactions émotionnelles secondaires tout comme les punitions.
Et y’a-t-il des cas où il est difficile d’appliquer l’extinction ? Par exemple, ce n’est pas toujours évident d’ignorer une crise faite par l’enfant. Qu’elle soit le comportement indésirable ou la conséquence d’une punition ou extinction, le Pr. Kazdin donne cinq conseils pour y réagir :
- S’assurer que tout le monde est en sécurité physique
- Désinvestir le moment (ne pas intervenir, toucher l’enfant, parler avec lui…)
- S’éloigner si possible, ne pas prêter attention si l’enfant suit
- Quand la crise s’apaise, identifier ce qui a été positif dedans et en féliciter l’enfant le cas échéant
- Ne pas revenir sur le sujet de la crise : passer à la suite, ne pas offrir de renforcement pour la crise en elle-même
8 habitudes pour créer un contexte familial favorable
Le tryptique ABC présenté dans Eduquer sans s’épuiser est une base pour analyser ce qui se passe chez les familles qui viennent le voir et proposer des solutions adaptées aux points durs qu’elles rencontrent. Mais au-delà des programmes temporaires qu’il évoque et qui ont du sens dans une situation de “crise”, le Pr. Kazdin rappelle que c’est tout un contexte, un écosystème familial, que les parents doivent réguler au quotidien.
Il passe alors en revue huit habitudes à renforcer à la maison pour créer un contexte familial favorable :
- Promouvoir une bonne communication = écouter chacun son tour, et comme un ami
- Construire des liens familiaux positifs dans le temps. En particulier, prendre du temps en famille autant que possible, mettre en place des rituels familiaux et faire de la place aux adultes du cercle familial élargi.
- Favoriser les comportements prosociaux de l’enfant, notamment choisir des activités de loisirs en fonction de l’enfant, pour que l’enfant s’épanouisse et ait des occasions d’apprendre à interagir avec autrui de manière agréable et constructive.
- Cultiver la flexibilité (sans autoritarisme ni laisser-aller). Lorsqu’on navigue en mer, les trajectoires les plus directes ne sont pas toujours les plus rapides. Il s’agit d’être au clair sur ses limites tout en acceptant d’ajuster les règles du quotidien et de discuter avec ses enfants lorsqu’ils manifestent le besoin de faire évoluer les choses.
- Surveiller son enfant et limiter les comportements à risque. Cela concerne plus les ados, mais les bases se posent dans l’enfance en ayant l’habitude de se raconter ses journées, de s’intéresser à chaque membre de la famille, de valoriser ce que la société valorise, etc.
- Réduire l’impact des situations négatives pour l’enfant (stress ou conflits parentaux ou familiaux, mauvaises nouvelles extérieures, etc.)
- Eviter les facteurs biologiques nocifs (cultiver un environnement sain, manger équilibré, etc.)
- Prendre soin des parents. En cas de crash aérien, vous devez mettre votre masque à oxygène avant d’aider l’enfant qui vous accompagne à le mettre. De la même manière, la santé et l’équilibre des parents est en fait prioritaire dans l’équilibre familial.
La “méthode Kazdin”
Une approche simple…
Nous pouvons maintenant résumer l’approche du Pr Kazdin en quelques bullets points :
- Définir le comportement souhaité
- Décrire l’état actuel du comportement, ainsi que ses antécédents et conséquences
- Choisir ce que l’on peut faire pour obtenir le comportement attendu :
- Méthode du façonnement, du jeu de rôles ou de l’amorçage ?
- Antécédents associés ?
- Choisir les conséquences du comportement :
- Avec quelles conséquences positives (félicitations et/ou tableau de récompenses) le renforcer ?
- Les punitions et l’extinction ont-elles une place dans ce schéma ?
- Vérifier s’il est possible d’améliorer le contexte familial
… qui économise les efforts parentaux
Le Pr. Kazdin a à cœur de rappeler que les efforts parentaux investis dans les programmes qu’il co-construit avec les familles ne s’ajoutent pas tant qu’ils ne remplacent les efforts déjà faits. Les parents qui rencontrent un problème avec leur enfant mettent déjà de l’énergie quotidiennement pour corriger le souci. Il ne s’agit donc pas d’en faire plus mais de faire mieux.
De plus, ignorer les comportements indésirables est infiniment moins coûteux en énergie que de sanctionner tous les écarts.
Il rassure enfin en rappelant qu’à mesure que le comportement s’améliorera et deviendra une habitude, les parents pourront progressivement estomper leurs demandes et leurs félicitations. Et cela d’autant plus rapidement que le programme mis en place sera plus efficace que ce qui se passait jusque là.
Mon interprétation pour le quotidien
Je le disais en introduction, on n’est pas forcément à tout instant en train de buter sur un comportement spécifique qu’on veut modifier. Cet été, j’ai lu le livre avec pour fil rouge de questionnement : comment apaiser l’ambiance à la maison et tous profiter de simplement vivre ensemble ?
Faire le point sur les habitudes familiales
La première ressource semble évidemment être les huit habitudes citées en fin d’ouvrage. Et force est de constater que j’ai vu des choses à modifier ou à revaloriser.
Par exemple, je me suis rendue compte que la fatigue avait largement taxé ma patience, ma disponibilité et ma gentillesse envers mes enfants. (Cf. habitudes 1 et 2.) J’ai pris conscience que j’étais à ce moment-là assez loin de la maman que je voulais être. Une part de principe de réalité peut-être, mais pas que. Je me suis donc attachée à :
- réutiliser les petits noms que je donne à mes enfants,
- intégrer progressivement plus de “s’il-te-plaît” dans mes demandes,
- répondre que je n’étais pas disponible quand je ne l’étais pas (pour ne pas ignorer les “maman, maman, maman” qui me débordaient),
- (et certainement d’autres choses que je n’ai pas conscientisées mais qui ont découlé d’avoir revisualisé la maman que j’ai envie d’être et que je suis plus facilement quand mes jauges d’énergie sont mieux remplies.)
Nous avons aussi pris depuis peu l’habitude d’aller de temps en temps au McDo, le plus souvent en Drive, pour ensuite le manger à la maison avec les enfants. Peut-être vous direz-vous que c’est mal, peut-être pas. Mon a priori l’était mais j’ai constaté à l’usage que c’est un repas où il n’est jamais nécessaire de rappeler aux enfants de manger. Et cela fait de ce repas un moment où l’on est toujours simplement contents d’être tous ensemble. Une des clés est évidemment de ne pas manger McDo trop souvent pour que l’effet ne s’effrite pas (et éviter tout autre effet de bord, bien sûr). Ceci dit, le passage du livre sur les rituels familiaux m’a fait prendre conscience que c’en était un et qu’effectivement, ça apportait de la cohésion et de la joie dans notre quotidien. (Cf. habitudes 2 et 4.)
Sans transition, l’ironie de l’enchaînement vous fera peut-être sourire… Je suis depuis quelques semaines dans une dynamique d’assainissement de notre hygiène de vie. Je parle de mieux dormir, mieux manger, y prendre plus de plaisir, mieux s’autoriser à couper des enfants, du boulot et des projets selon le moment… Lire Kazdin m’a renforcée dans mon envie de tester de nouveaux plats régulièrement et prévoir plus de sorties pour moi. (Cf. habitudes 7 et 8.)
Enfin, les métaphores de la navigation en mer (qui n’est pas aussi explicite dans le livre mais m’a été évoquée par un mot au paragraphe dédié) et du masque à oxygène pour les parents ont largement résonné avec mon vécu. Les répercussions de ces eurêka n’ont pas encore fini de faire écho en moi.
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Trouver le bon équilibre positif / négatif / neutre
Dans sa conclusion, à propos d’un comportement indésirable qui se produit et où il faut féliciter son contraire, le Pr. Kazdin répond explicitement à la question du bon dosage de félicitations, punitions et ignorance : “Il n’existe pas de réponse scientifiquement prouvée, mais faites en sorte que les fois où vous renforcez un opposé positif soient bien plus nombreuses que les occasions où vous punissez.“
Je me suis donc mis en tête de trouver des proportions qui seraient un guide imaginaire dans mon quotidien, à la fois cohérent avec le discours du Pr. Kazdin et applicable dans ma réalité de parent.
J’ai retenu 60 / 10 / 30 :
- 60% de positif car ça doit être la majorité de nos réactions à nos enfants,
- 10% de négatif car il y a à la marge des choses qu’on ne peut pas laisser passer,
- 30% d’ignorance car il y a finalement beaucoup de choses qu’on peut et doit effectivement laisser passer, je crois, pour préserver la santé mentale des parents et la bonne humeur générale de la maisonnée.
Evidemment, ces proportions n’ont rien ni de mesurable, ni de vérifié donc c’est à prendre avec toute la distance qui se doit ! 😉
Identifier ce qui marche avec ses enfants
Même si on peut faire des recherches sur comment fonctionnent les enfants, une fois que vous êtes face au(x) vôtre(s), ce qui compte, c’est ce qui marche dans votre famille à vous.
Chez nous, P’tit Gars est à fond dans les tableaux de récompenses qui laissent P’tite Nana relativement indifférente. En revanche, P’tite Nana a très envie d’être grande et a fait des pas de géant sur certains sujets avec ce moteur ces derniers mois. De son côté, ça ne gêne pas du tout P’tit Gars de refaire “comme les petits” car finalement, pendant ce temps, on s’occupe de lui.
Vous l’avez compris, les différents leviers évoqués ci-dessus dans les antécédents et les conséquences ne fonctionnent pas tous pareil avec tous les enfants. Observez les vôtres pour savoir ce qui résonne avec leur personnalité… et choisissez en conséquence !
Ne pas viser la perfection, choisir ses batailles
Enfin, le sujet sous-tend le discours dans tout le livre et apparaît en évidence dans son titre en version française : gérer l’énergie parentale. Comme toute ressource rare et précieuse, il s’agit de ne pas la gaspiller, de choisir ingénieusement où l’investir pour un maximum de résultats.
Au final, je retiens du livre du Pr. Kazdin un sentiment général de “lâche du lest“, “fais-en moins“, “choisis tes batailles“, “fait vaut mieux que parfait” et autres “le mieux est l’ennemi du bien“. 100% de réussite, c’est séduisant mais irréaliste ; 80%, c’est atteignable et vraiment satisfaisant.
Si vous aimez ce que vous trouvez ici, jetez un œil à mon livre !
J’y détaille toutes les infos vraiment utiles au quotidien quand on devient parent(s).
En conclusion
Vous l’avez compris, la lecture d’Eduquer sans s’épuiser est tombée à point nommé pour nous au début de l’été. Les vacances ont porté leur lot de complications (comme faire 1200 bornes dans la journée avec nos petiots, aller puis retour ou attraper le Covid) et de fatigue. Mais malgré cela, en remettant du positif dans nos mots puis dans nos têtes et en s’autorisant à ne pas réagir plus souvent, la tension est redescendue à la maison.
P’tit Gars et P’tite Nana partagent plus de choses avec nous. Et nous profitons mieux des moments extraordinaires qu’offrent les jeunes enfants à la pelle : les émerveillements des premières fois, les perles de langage, les questions foudroyantes de pertinence, les illuminations d’un nouvel apprentissage, les fous rires communicatifs, les mignonneries brutes et les câlins tendres.
Nous abordons même la rentrée sereinement… quels naïfs nous sommes, décidément !
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